jeudi 10 avril 2014

Aime, Boire et Chanter ->"Théâtre Filmé"

Le réalisateur Alain Resnais s'est éteint ce 1er mars 2014, il aurait été l'un des cinéaste incontournable du Cinéma français en 78 ans de carrière passée derrière la caméra. Sorti le 26 mars dernier, Aimer, Boire et Chanter aura été son film posthume, qui vient clôturer une filmographie bien riche, et incontournable pour les cinéphiles de la planète entière. On lui doit notamment Hiroshima, Mon Amour, Smoking/No Smoking, On Connaît la Chanson, Stavisky et dernièrement Vous n'Avez Encore Rien Vu. S'étant entouré d'une bande de comédiens habitués à son travail et récurrents au cours de sa filmographie (Sabine Azéma, André Dussolier, Pierre Arditi, Gérard Depardieu, Lambert Wilson, Michel Piccoli, Michel Vuillermoz...), Resnais aura fondé une grande famille de cinéma. Également scénariste et monteur, Le réalisateur de Nuits et Brouillards aura marqué une page du cinéma qui, aujourd'hui, se tourne après la disparition de ce dernier. Passionné par les arts, dont la peinture, la photographie, la littérature et le théâtre qui ont nourri son oeuvre. Son dernier film fait l'objet de l'adaptation de la pièce anglaise Life of Riley de Alan Ayckbourn, déjà deux fois adapté par le cinéaste. Comme à son habitude, le réalisateurs s'est entouré de quelques uns de ses habitués. Ainsi, dans Aimer, Boire et Chanter, Sabine Azéma donne la réplique à Michel Vuillermoz, Hippolyte Girardot et André Dussolier. Deux nouvelles s'ajoutent au casting: Sandrine Kimberlain et Caroline Sihol qui viennent donc prendre part à cette comédie de moeurs dans la campagne anglaise du Yorkshire.

Trois couples d'amis sont rongés par le sort de leurs ami en commun, George Riley. ce dernier est atteints d'un cancer. Pour soutenir leur ami dans cette épreuve, ils décident de monter une pièce de théâtre. L'heure est alors à la réanimation des vieilles querelles de ces dames qui vont faire jaser leurs époux. George devient alors pour chacun d'eux l'ami à la fois fidèle et exaspérant par son grand pouvoir de charme auprès de la gente féminine...
On aime ces personnages aux théâtre, leurs manières pleine de défauts, derrière un voile de conduite morale démagogue. À huis-clos, la pièce sonne le coup des règlements de comptes des écarts de chacun. Rancune de camaraderie, de jalousie ou de couple tout y passe et se marie extrêmement bien avec le contexte de la pièce. L'oeuvre originale devrait être extrêmement savoureuse. Dommage que ce que l'adaptation du réalisateur lui réserve soit si pauvre... On pense bien que la croisée des arts scéniques avec ceux de l'image soit chère à Resnais. Toutefois cette mise en abîmes du théâtre au cinéma n'est pas très novateur. "Théâtre filmé", c'est le terme qui convient le mieux pour décrire l'esthétique du film. Quelques prises de vue réelles par ci par là, qui viennent faire la liaison entre les différentes scènes et actes du scénario de la pièce porté à l'écran. Le reste se déroule dans des décors bien artistiques et manuels, propres aux planches de théâtre. Même si c'est cocasse un moment, l'ensemble des décors devient vite banal. Ce sont pleins d'exemples de ce détail là qui nuisent à l'originalité du travail d'adaptation de l'oeuvre original: Des codes du langage théâtral mal retranscris au cinéma, qui finissent pas excéder les spectateurs. Il y a une vraie prise de liberté risquée quant aux effets de style qui ne paye pas vraiment. Resnais se contente de prendre des plans d'ensemble pour cadrer tout l'espace de la scène, et d'un seul coup, il passe en plan rapproché avec une effet visuel sur fond vert mal incrusté...
Bref la séparation entre les deux arts reste trop flou, même si la mise en abîmes de ces derniers est clairement voulue par le metteur en scène, qui se cantonne à placer deux trois allusions au 7ème art dans son dernier long-métrage. Ça fait quand même sourire, mais on ne tarde pas à trouver cela un peu dénué de sens. On a même droit aux fameux animal des films de Resnais qui vient s'incruster au milieu des personnages, une (fausse) taupe qui sort du sol. L'autre inconvénient majeur de cet exercice de "théâtre-filmé" réside dans la direction des acteurs qui sonnent un peu (trop) comme sur scène, à pousser la voix dans l'exagération. Si Bertrand Blier en a fait son style de mise en scène pour ses comédies noires, ici, ça n'arrange pas la cohérence du film. Exception faite pour trois des comédiens: Sandrine Kimberlain, André Dussolier et Michel Vuillermoz qui s'en sortent à merveille malgré la contrainte.
Toutefois, il ne peut s'agir que de petits détails sur lesquels, on peut chercher à tergiverser, l'essentiel de l'esprit de la pièce étant préserver, notamment autour de la présence du personnage de George à travers l'ouvrage, qui est bien au centre des discussions et des discordes sans apparaître une seule fois à l'écran. Il y'a quand même, il faut le souligner, un plaisir communicatif de la part des acteurs et de l'équipe technique à s'investir et concrétiser  ce dernier film de Resnais, puisque que le projet Arrivée et Départ, avec Azéma, Sihol et François Damiens est désormais orphelin.

Note: 3/5

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