mardi 15 avril 2014

Only Lovers Left Alive, ->"Vamp Ailleurs"

Poésie punk et spleen romantique sont au programme du dernier film en date du réalisateur Jim Jarmusch qui s'est un planté au box-office un peu partout dans le monde. Présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, Only Lovers Left Alive est sorti tardivement en salle dans l'indifférence totale. Cinéaste underground new-yorkais originaire de l'Ohio, le travaille de Jarmusch est pratiquement composé de films devenu cultes au fil des années après des sorties fantomatiques. C'est à lui qu'on doit Ghost Dog, Broken Flowers, Down By Law et Dead Man. Cinéaste underground, on disait (voire même hipster), Jim Jarmusch a bâti sa carrière sur des choix et des motivations hétéroclites.Le budget de son tout premier film avait directement trouvé sa source dans la bourse d'études du réalisateur lorsqu'il était à la faculté de Cinéma de New-York. Bref, Only Lovers Left Alive est l'une des dernières victime la loi sans pitié du public, qui a complètement fait l'impasse sur ce film. Ce qui est vraiment dommage puisque, après toutes les relectures à l'eau de rose du genres, Jim Jarmush nous offrait un VRAI film de vampire, avec leur mal d'être quant à leur immortalité et leur tendance anthropophage. D'une  grande beauté esthétique et visuel, ce film dresse le portrait d'un couple de vampires en voie de disparition au 21ème siècle. Tout sonne à la fois drôle, décalé et dramatique. Une superbe composition de la part du réalisateur qui dresse également son amour pour les arts, de la musique à la littérature sur près de quatre siècles. Dans un rôle, dont le cinéaste affirme avoir écrit pour elle, Tilda Swinton donne la réplique à Tom Hiddleston, Anton Yelchin, Mia Wasikowska et John Hurt. Figurent également au casting Jeffrey Wright et Slimane Dazi.

À la fois poétique, onirique, glam, sombre et décalé, Only Lovers Left Alive s'inscris pleinement dans la filmographie de son réalisateur, ainsi que dans sa galerie de personnages: Blazés, stoïques, presque macabres. Les deux protagonistes vampires, Adam et Eve (oui c'est vrai, que Jarmusch aurait pu être plus inspiré pour leur prénoms), sont surement aussi vieux que le monde. Au XXIème siècle, ils sont un peu lessivés de l'existence qu'ils ont mené qui a toujours été imprégnée des arts au fil des siècles passées. Ayant côtoyé de grand noms, l'appartement d'Adam est rempli d'affaires que l'on aurait pu croire dans un musée, mais qu'ils ne sont en réalité que des souvenirs. Passionné de musique (rock et classique), ainsi que de littérature et de poésie, Adam ne vit plus que pour l'art qui a marqué ces deux millénaires d'existence. Se terrant dans son appartement aux allures de grotte, ne sortant que rarement et uniquement la nuit (évidemment), Adam méprise la présence des humains, rebaptisés "zombies" pour l'occasion, dont la conduite l'exaspère au plus haut point. Il tolère seulement la compagnie de Ian (Anton Yelchin, qui côtoie pour la deuxième fois avec des vampires après le remake Fright Night), avec qu'il partage la passion des instruments et de la musique rock, et qui lui dégote deux-trois trucs de temps à autres. Cloitré dans sa déprime, Adam reçoit la visite de son amour de toujours, Eve. Des millénaires d'existence vécus côte-à-côte et pourtant, à chaque retrouvailles, c'est une idylle qui redémarre. Eve va alors partager la vie éphémère que mène Adam...
Une fresque poétique, voilà comment on pourrait résumer l'atmosphère onirique du film. Un revival de l'histoire de l'art et de la musique aux côtés de ses vampires aux look définitivement grunge, avec leur crinières aux cheveux gras, leur fringues  et lunettes de soleil vintage. Adam est compositeur, et sa carrière est certainement aussi longue que sa vie puisque, en plus d'être un artiste rock, il a signé des compositions pour des musiciens du XVIIème siècle. Il en va de même pour son entourage, puisqu'en réalité John Hurt donne corps au tragédien Christopher Marlowe, soutenant la théorie quant à l'existence du nègre de Shakespeare. Le film joue sur plusieurs références et décalage des époques de ce style. Une vision toute particulière du cinéaste, dans laquelle on reconnait son propre amour pour l'art et la musique. Voilà donc l'image que Jim Jarmusch se fait des vampires: des êtres aussi mythiques que rock'n roll avec une mentalité rétro, mal de vie pour passer le XXIème siècle. Car oui, difficile de s'abreuver pour un vampire, de traquer ses proies, commettre des meurtre de nos jours. Allant puiser dans des réserves de poches pour transfusion, les protagonistes nocturnes luttent contre chaque jour (enfin, nuit) à jeun... Pleine de contraintes surgissent alors pour ces personnages pour perdurer au second millénaire, ce qui explique la voie d'extinction de l'espèce. Ancrés vers le passé, ses personnages, de plus en plus livides, déambulent dans une ville tout aussi funeste et mourante. Ancien paradis industriel, Detroit fait ici office de théâtre de ces évènements, tout en se distinguant comme un personnage à part entière. Le cinéaste dresse un tendre portrait de cette ville au passé et au sort du destin si singulier, que Jarmusch ne manque pas de cadrer de manière songeuse. Tout est aérien, beau, imaginatif et renversant.
Toute la créativité du film est renforcé par l'implication des acteurs. Mention spéciale à Tom Hiddleston qui vole la vedette à n'importe quel autre comédien du film. Funeste, intense, mélancolique et splendide à la fois, l'acteur sort vraiment du lot. Sa prestation est tellement remarquable qu'il crève l'écran et serait capable de porter le film à lui tout seul. Tout sonne juste chez lui, la mentalité de musicien, le mal aise de vampire et la précarité de son personnage sont interprété d'une grande force inventive. Une mutation vraiment bluffante du comédien anglais que l'on pourrait qualifier bien au delà de sa performance du personnage de Loki sous antidépresseurs.
Un portrait aussi visionnaire que singulier du cinéaste quant au mythe des créatures vampiriques. D'une poésie et d'un humour décalé rare, Only Lovers Left Alive se distingue vraiment par sa thématique, son exercice de style et l'inspiration du casting. Un film d'une grande classe qui ne démérite vraiment une deuxième vie en sortie DVD.

Note:4/5

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